Exemple de correction phonétique : la prononciation de [ʒ] en début d’énoncé
Dès les premiers cours de FLE, on peut être confronté à un problème de prononciation du son [ʒ], notamment en attaque syllabique. C’est le cas dans “Je m’appelle…”, “J’habite…” ou encore “J’aime…”. Autant agir avant que cette prononciation ne devienne une habitude dont il sera difficile de se débarrasser…
Analyse étiologique de l’erreur
Une des erreurs souvent produite consiste à isoler le pronom sujet de la première personne du singulier du verbe commençant par une voyelle ou un « h » muet. Par exemple, le groupe verbal « j’habite » est réalisé en [ ʒø abit ] au lieu de [ ʒabit ].
Comment interpréter cette erreur ?
Est-ce une mauvaise représentation des unités de production : les syllabes se juxtaposent sans tenir compte de leurs structures ni des enchaînements ? Est-ce une influence du code écrit ? Quelle que soit l’analyse étiologique que l’on peut en faire, une correction par le biais de la prosodie semble tout à fait indiquée.
Premier procédé de correction phonétique
Taper le rythme en faisant “da da” plusieurs fois, puis enchaîner en disant la phrase cible : [ ʒabit ]. On produit une pause entre chaque syllabe.
Deuxième procédé de correction phonétique
“Éloigner” le modèle à répéter de la phrase à répéter puis “revenir” à la phrase.
En éloignant le modèle à répéter de la phrase cible, on évitera que l’apprenant n’interprète la phrase en fonction de ses connaissances (graphie, juxtaposition de concepts). On concentrera alors son attention sur les données acoustiques du modèle.
Commencer par [a ʒa] en répétant cette séquence plusieurs fois, puis [ a ʒa bit ] puis [ ʒa bit ]. On peut assourdir le phone [ʒ] en [ ʃ ] afin de s’éloigner d’avantage de la cible et de focaliser l’attention de l’apprenant sur la syllabe [ʒa] de [ ʒa bit ] :
[ a ʃ a ] puis [ a ʃ a bit ] puis [ ʃ a bit ] puis enfin [ ʒa bit ]. Si l’apprenant ne parvient pas à relâcher le phonème [ʃ], on pourra lui proposer la suite [aʃa] – [aʒa] – [ʒabit], en associant [ʒ] à une gestuelle “détendue” (abaisser les bras avec une “attitude ramollie”) ainsi qu’en allongeant les phonèmes vocaliques.
Pour aller plus loin…
Deux autres productions erronées sont souvent réalisées : l’apprenant substitue [j] ou [dʒ] à [ʒ].
Cela donnera respectivement [ ja bit ] ou [ dʒa bit ].
Traitement de [ ja bit ]
Les auteurs de ce type de production sont souvent hispanophones. Le phonème erroné est trop relâché. Il suffit d’utiliser la prononciation nuancée en tendant le [j] vers le [ʃ] sans l’atteindre tout à fait.
Traitement de [ dʒa bit ]
Le public japonais commet souvent cette erreur. Le phénomène est inverse à celui que nous venons de traiter. Il faut relâcher l’affriquée de façon à faire disparaître l’occlusive [d] de [ dʒa ]. Pour cela, il faut diminuer la tension de [ dʒ ] de [ dʒa bit ] en prononçant le [ʒ] presque comme [j]. Si cela ne suffit pas, mettre le phonème fautif en finale syllabique puis le déplacer : [ aʒ ] puis [ a ʒa ] puis [ a ʒa bit] puis [ ʒ*a bit] puis [ ʒa bit].
*le [ʒ] doit tendre vers le [j]
Traitement de [za bit]
Les locuteurs de certaines langues d’Afrique (type mambara, soninké, etc…) ont tendance à remplacer le son [ʒ] à l’initiale (en début de mot) par le son [z]. Il pourrait s’agir d’un problème de place du phonème : le son [ʒ] est produit en intervocalique ou en finale.
Pour le corriger, il suffit de le placer en intervocalique ou en finale et de le déplacer progressivement vers l’initiale.
Pour la phrase “j’habite à Toulouse”, on fera précéder “je” du phonème vocalique [a] (relativement neutre), que l’on réduira progressivement pour le faire disparaître.
ex : [ aʒabit ] puis [ʒabit].
Il est possible de systématiser la production du phonème cible grâce à des exercices de déplacement de phonème. Ci-dessous, un exemple pour “j’appelle”.
ex : [lapaʒ] – [lapaʒa] – [lapaʒapɛl] – [paʒapɛl] – [ʒapɛl]
Remarque :
Si l’erreur est due uniquement à une mauvaise interprétation du phonème, quelle que soit sa place, on cherchera à assombrir son timbre, par le biais par exemple du phonème /o/.
ex : dans la phrase “j’écoute”, on proposera un environnement vocalique sombre :
-“Allo Jojo ? [aloʒoʒo] puis on se rapproche du modèle initial : [aloʒokut] – [alojekut] – [ʒekut]