Exemple de correction phonétique : le [d] de Karl Lagerfeld
En correction phonétique verbo-tonale, on utilise le rythme pour proposer des corrections sur les phonèmes. Nous allons voir quels peuvent être les bénéfices collatéraux de l’activité « de la voyelle au rythme » pour la correction de la tension excessive des consonnes occlusives (exemple de correction du [d] chez une germanophone) .
Établir la tension vocalique
Lors de l’activité « de la voyelle au rythme », on demande aux apprenants de supprimer les consonnes d’un énoncé court. Cela permet entre autres choses de travailler le mode tendu du vocalisme du français.
En effet, les voyelles du français se caractérisent par leur tension, dans leur mode de réalisation. C’est à dire que leur articulation est nette et qu’elles conservent leur timbre tout au long de leur émission. Pour rappel, il n’y a pas de diphtongues en français (!) ce qui implique une certaine tension articulatoire.
En supprimant les consonnes de l’énoncé, les apprenants peuvent plus facilement percevoir et réaliser ce mode tendu. Il n’y a en effet pas de phénomènes de coarticulation avec les consonnes environnantes. En outre, cela permet de libérer leur attention et leur énergie articulatoire pour la réalisation de ces sons vocaliques.
Une fois cette tension vocalique établie dans un énoncé dépourvu de consonnes, on réintègre les sons consonantiques. On propose ensuite d’alterner l’énoncé sans consonnes et l’énoncé original.
Corriger la tension des consonnes
Dans l’énoncé « Elodie », l’enseignant perçoit, dans la réalisation de l’apprenante germanophone, une tension excessive dans la production du [d]. Cela se traduit par un souffle dans la réalisation du [d].
En correction phonétique verbo-tonale, on peut régler ce problème de tension en utilisant différentes techniques, que l’on peut éventuellement associer :
- découpage progressif (mettre la consonne en fin d’énoncé),
- allongement de la voyelle précédant le son que l’on souhaite détendre,
- prononciation nuancée (produire une variante sous-tendue du son à travailler).
Dans le cas présent, on aurait pu faire produire [elo:d] (découpage progressif + allongement de la voyelle), puis revenir progressivement au modèle.
Dans la correction proposée dans cette vidéo, après avoir travaillé « sans consonnes », l’enseignant réintroduit le [d] dans un mode sous-tendu tout en conservant un mode tendu pour les voyelles. La tension étant concentrée sur les voyelles, l’apprenante perçoit et réalise un [d] correspondant aux normes du français, moins tendu. Ce procédé de correction est particulièrement efficace pour régler les problèmes de tension excessive des consonnes, notamment chez les germanophones et les anglophones, mais également pour [t] et [d] suivi d’un [i] ou [y] pour les lusophones brésiliens.
Pour aller plus loin…
Exemples de consonnes trop tendues :
Pour les germanophones :
On entend toujours un souffle lorsque les occlusives sont placées à l’initiale d’un énoncé (papa, Toulouse, kangourou, etc.).
Pour les anglophones :
De manière générale, les anglophones prononcent les occlusives avec un souffle (mes parents, la tête, etc).
Cette tension des occlusives a des conséquences sur la production du [R] dans les groupes de consonnes où le [ʁ] suit une occlusive.
En effet, dans le mot “train” par exemple, la prononciation [ʁ] sera produite approximativement [ɹ], d’une part parce que le son [ʁ] n’existe pas dans le système phonologique anglophone et sera donc assimilé à [ɹ] et d’autre part il sera sous l’influence de la tension de l’occlusive.
Un des procédés de correction consistera à séparer dans un premier temps l’occlusive de la vélaire [ʁ] avec une voyelle : train deviendra [teʁɛ̃]. Une fois que l’on aura réglé le problème de la tension de l’occlusive de cet item, on réduira la durée d’émission de cette voyelle épenthétique, jusqu’à sa suppression.
Pour les lusophones brésiliens :
Le [t] et le [d] suivis de [i] ou [y] sont généralement prononcés avec un souffle (lundi, perdu, etc).
Testez et dites-nous comment ça a marché !